mardi 28 juin 2011

La face cachée du Paradis (2)


(Ceci est la deuxième partie d'un texte écrit par Samuel Elie Mimoun. Afin de lire la première partie, cliquez ici.)

Écoutons un peu ce que dit ce serpent qui parle. Souve­nez-vous que la Tora le décrit comme un interlocuteur, quelqu'un d extrêmement « rusé ». Donc supposez un instant que vous soyez à la place du serpent que vous soyez très intelligent et que vous vouliez manipuler Ève afin qu'elle mange d'un fruit qui lui est interdit. Comment vous y prendriez-vous ?

Vous feriez peut-être valoir à Ève à quel point ce fruit a l'air délicieux ou bien vous inventeriez un séduisant mensonge concernant ses mystérieux pouvoirs. Mais voyons ce que le serpent, lui, choisit de faire. Il s'approche d'Eve et, dans la version originale en hébreu, lui dit les mots suivants : « af ki amar elokim lo tokhlou mikol ets hagan ». La plupart des traductions nous en livrent l'interprétation suivante : « Est-il vrai que D-ieu a dit que vous ne pouviez manger d'aucun arbre du Jardin ? » (Béréchith, 3:1).

Cependant, cette version ne constitue pas la traduction la plus précise du texte en hébreu. Une meilleure traduction, plus littérale, donnerait : « Même si D-ieu a dit de ne manger d'aucun arbre du Jardin... ».

En fait, il n'est guère surprenant que la plupart des tra­ductions aient pris des libertés avec le texte original, car la traduction basique et littérale de ces mots est pour le moins étrange. Tout d'abord, cette phrase ne comporte pas de fin. Elle se termine en queue de poisson comme si le serpent avait été interrompu avant la fin. Cependant, même si nous aidons le serpent à finir sa phrase, ses paroles sont difficile­ment plus compréhensibles. En effet, ce qu'il semble vouloir dire à Ève est : « Et même si D-ieu a dit de ne manger d'aucun arbre du Jardin, et alors ? Mangez-en quand même ! »

Une petite seconde... Tout ce que le serpent a pu trou­ver de mieux comme argument, c'est : « Et même si D-ieu a dit de ne pas le faire, et alors ? » Cela ne semble pas très rusé, non ? Parmi toutes les possibilités qui s'offrent à lui, pour­quoi choisir de rappeler à Ève qu'elle n'est pas censée manger de ce fruit ? Pourquoi lui suggérer avec désinvolture de ne pas tenir compte du commandement de son Créateur ? Sou­venez-vous : pour Ève, D-ieu n'est pas un concept abstrait. D-ieu est réel, Il l'a créée en personne. Quel drôle d'argument est-ce là que de dire : « Et même si D-ieu a dit non, et alors ? » !

Un instant de réflexion

Poursuivons notre lecture et nous verrons que l'argument du serpent prend une nouvelle tournure intéressante. Voyons comment le serpent suggère à Ève l'idée qu'il connait la vraie raison pour laquelle D-ieu lui a interdit, ainsi qu'à Adam, de manger de ce fruit : « En réalité, D-ieu sait que le jour où vous en mangerez, vos yeux seront dessillés et vous serez comme D-ieu, connaissant le bien et le mal » (Béréchith, 3:5).

Méditons sur cette phrase un instant. Posons-nous la question suivante : le serpent, est-il en train de mentir ou de dire la vérité ? Je ne sais pas ce que vous en pensez, mais, à première vue, il me semble bien qu'il est en train de mentir. Mon esprit me souffle la réflexion suivante : qu'est ce que c'est que cette absurdité grotesque que de suggérer que D-ieu garde jalousement l'Arbre de la Connaissance parce qu'il permet de devenir un être divin ? D-ieu a-t-Il réellement un comportement si territorial, c'est-à-dire, est-Il vraiment inquiet que de pauvres êtres humains, par le simple fait de manger d'un fruit, puissent, comme par magie, devenir sou­dain comme Lui et empiéter sur Son royaume céleste ? Al­lons donc ! Le serpent ment, c'est évident.

Cependant, il n'y a pas lieu de se poser la question, car, en fait, c'est le texte lui-même qui nous révèle si le serpent ment ou dit la vérité. Le verset que j'ai en tête se trouve après qu'Adam et Ève ont mangé du fruit défendu. Méditant sur leur faute, D-ieu dit en Se parlant à Lui-même que l'humanité doit, à présent, être totalement bannie du Jardin. Et en voici la raison : « D-ieu dit : "L'homme est devenu comme l'un de nous, en ce qu'il connaît le bien et le mal. Il faut maintenant l'empêcher d'étendre la main et de cueillir aussi de l'Arbre de Vie. Il [peut] en manger et vivre éternellement !" » (3:22).

Aussi impossible que cela paraisse, le serpent disait bien la vérité finalement. C'est écrit noir sur blanc. D-ieu affirme clairement que le fruit a, d'une manière ou d'une autre, élevé Adam et Ève jusqu'à devenir « comme » Lui, des êtres « qui connaissent le Bien et le Mal ». Mais comment est-ce possible ? Si l'Arbre de la Connaissance pouvait réellement rendre quelqu'un divin, Hachem ne voudrait-Il pas que nous y ayons accès ? Cela semble plutôt blasphématoire que de suggérer que D-ieu a peur que les créatures qu'il a créées entrent en compétition avec Lui.

Et enfin, comme si cette affirmation de D-ieu n'était dé­jà pas assez troublante, voilà encore une dernière chose bi­zarre. Observez la manière dont D-ieu définit ce qu'est un être Divin : « L'homme est à présent devenu comme l'un de nous, en ce qu'il connaît le bien et le mal » (Béréchit, 3:22).

Interrogez dix personnes dans la rue en leur deman­dant de définir D-ieu en une phrase. Vous entendrez proba­blement que D-ieu est omnipotent, qu'il est omniscient, qu'il est Un ou qu'il est le Créateur du monde. Mais est-ce que quelqu'un vous dirait qu'être D-ieu, c'est « connaître le Bien , et le Mal » ? Et c'est pourtant ce que dit Hachem en personne.

Le serpent - ce représentant du monde animal qui marche et qui parle - a raison. D-ieu Lui-même confirme ses Paroles. Être divin signifie connaître le bien et le mal. À pré­sent, c'est à nous de découvrir ce que tous deux veulent dire par là...


Ce Dvar Tora est dédié à la guérison de Levy ben Miriam.  

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