De retour à Oswiecim, dès les préparatifs de Pessa'h terminés, je me suis rendu à la synagogue.
Est-ce un hasard qu’une synagogue 'hassidique ne fût pas détruite ?
J’aime cette petite synagogue modeste, qui comme chaque année depuis mon installation dans cette ville, sera décorée pour Chavou'oth.
Cet après-midi, je ressentais le besoin de prendre un livre. Le besoin de lire à haute voix des extraits s’est imposé.
« Sagesse Hassidique » est composé de six cent quatre-vingts récits. Il est écrit par Daniel Lifschitz et édité aux Éditions du Rocher
En voici un récit de circonstance. Il s’agit du récit 590 : une mélodie pascale
La pluie avait éteint les flammes du hangar de Gardelegen, en Allemagne, où étaient morts 1 016 hommes, enfermés pour les travaux forcés. Quand la pluie cessa, les survivants de l’incendie du hangar et d’autres prisonniers furent chargés sur les camions sous la surveillance des Allemands et furent conduits dans la forêt, pour être exécutés. Les bois étaient à quelques kilomètres du camp. Un jeune garçon et son cousin étaient sur l’un des camions.
« Je m’ennuie » dit l’un des gardes. « Hé ! Toi, le garçon juif, chante-moi une de tes chansons, un de tes hymnes ! » Le cousin, un jeune hassid, avait une voix merveilleuse.
C’était le 15 avril 1945, cinq jours seulement avant la fête de Pessa’h. Le garçon commença à chanter un chant de l’Aggadah de Pessa’h : « Ve hi she amdah la-avoteinu. » La mélodie était merveilleuse. Aussitôt d’autres déportés de différentes nationalités et quelques gardes aussi s’unirent à son chant. La douce brise du printemps portait la chanson à tous les camions du convoi de mort et d’autres commencèrent même à suivre la mélodie.
Quand ils furent proches du bois, le garde allemand donna l’ordre de cesser. « Dis-moi le sens de cette chanson : traduis-la moi. » Le garçon 'hassid la traduisit : « Voilà ce qui a soutenu nos ancêtres et nous-mêmes. Parce que ce ne fut pas un seulement qui s’est levé contre nous pour nous anéantir, mais à chaque génération, il y a eu ceux qui se sont levés contre nous pour nous anéantir. Mais le Saint, béni soit-Il, nous sauve toujours de leurs mains. » Lorsque le garçon eut fini la traduction, l’Allemand éclata d’un rire sauvage et moqueur. « Voyons comment ton D-ieu te sauvera de mes mains. »
« Pour l’instant je suis encore vivant, mais je n’ai pas peur de mourir », répliqua le garçon.
Ils atteignirent une clairière dans la forêt. Par groupes de six, ils furent conduits proches d’un ravin pour êtres tués. Les deux cousins faisaient partie du dernier groupe. Sur le visage du garde allemand, il y eut une expression de triomphe lorsque les deux garçons furent conduits vers la mort.
Soudain, arriva une motocyclette avec deux officiers allemands de haut rang.Ils ordonnèrent que tous les prisonniers fussent reconduits au camp. Gardelegen venait tout juste de se rendre à l’armée américaine.
« Appelle-le destin, appelle-le miracle, appelle-le comme tu voudras », dit Mme Glatt, en concluant l’histoire de son cousin et de son frère. « Mais une chose est claire. Nous autres, les Juifs, avec notre foi inébranlable, nous réussirons en quelques manières à survivre pour toujours. »
Après un bref silence, elle ajouta : « Je suis l’arrière-petite-fille de Rabbi Raphaël Zimtboïm, le gabbai du Rabbi de Tzanz, Rabbi Chaïm Halberstam. Le Rabbi était boiteux et très souvent, mon arrière-grand-père Reb Raphaël, l’accompagnait dans sa tournée. Peut-être fussent ses mérites, la foi innocente de mon frère et les mérites de ses Téfillin qui nous ont tous protégés. Ses Téfillin avaient appartenu à Reb Raphaël.
« Et son frère, comment est-il maintenant ? »
« Il est mort peu après la Libération. Ses poumons avaient été très endommagés pendant l’incendie de Gardelegen. Mais il mourut en homme libre. »
Sagesse Hassidique.
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