samedi 17 mars 1990

Se lever pour Tiqoun 'Hatsoth

Se lever pour Tiqoun 'Hatsoth

(Il s'agit de la deuxième partie du livre "L'appel de minuit". Vous pouvez lire la première partie en cliquant ici.)

Désir fervent de Rédemption

Pendant toutes les longues années d'exil, le peuple juif a toujours aspiré à la construction du troisième Temple, qui sera éternel. On peut dire que toutes les prières que nous récitons jour après jour expriment cette aspiration à la rédemption et la restauration.

De plus, à chaque génération, des juifs pieux, grands érudits de Tora ou gens simples et ordinaires, ont ressenti le besoin d'ajouter quelque chose à leurs prières quotidiennes.

« Lève-toi, pousse des sanglots la nuit... Répands , ton cœur comme de l'eau à la face du Seigneur » (Lamentations 2:19). Les trois prières quotidiennes obligatoires : Cha 'harith, Min'ha et Ma'ariv avaient été instituées par les trois Patriarches : Avraham, Isaac et Jacob (Bérakhoth, 26b).

L'idée d'une prière au milieu de la nuit fut introduite par le Roi David. Vu le lien qui existe entre le Roi David, Jérusalem et le Temple saint, la prière de la nuit convenait à des lamentations sur la destruction et au désir de Rédemption. La destruction du Temple avait plongé le monde dans les ténèbres spirituelles et le but d'une prière au milieu de la nuit est d'éclairer cette obscurité.

Les juifs pieux se lèvent ainsi tous les soirs à 'Hatsoth, ce moment favori et de faveur, pour se lamenter sur la destruction du Temple et implorer D-ieu pour la Rédemption, il s'agit du Tiqoun 'Hatsoth. Il y avait même des communautés entières qui s'assemblaient tous les soirs dans les synagogues pour réciter ensemble le Tiqoun 'Hatsoth, puis prier ou étudier, chacun selon ses capacités, jusqu'au lever du jour.

Vu les souffrances du peuple juif tout au long de son histoire, nos Rabbins auraient pu rendre obligatoire la récitation du Tiqoun 'Hatsoth, tout comme les trois trois prières quotidiennes. Mais il n'est pas donné à tout le monde de se lever régulièrement à 'Hatsoth. Les Sages n'ont jamais promulgué une telle loi, parce qu'ils n'étaient pas sûrs que la majorité du peuple juif pourrait s'y conformer (Baba Kama, 79b). Toutefois, le Tiquon 'Hiatsoth a une telle importance que c'est le premier sujet dont traite le Choul'han 'Aroukh, ou Code de Loi juive :

« Le juif doit se lever comme un lion pour servir le Créateur. C'est lui qui doit éveiller l'aube... Ceux qui se se lèvent tôt pour supplier le Créateur doivent s'efforcer de prier au moment du changement de gardes... Tout juif qui craint le Ciel doit se sentir concerné par la destruction du Temple et s'en affliger (Ora'h 'Haïm I, 1-3). Cela se réfère au Tiqoun 'Hatsoth, la Prière de Minuit. » (Michna Bèroura, ad. Loc.)

Le Tiqoun 'Hatsoth n'est donc pas obligatoire. Nulle part, le Code de la Loi juive ne stipule qu'il appartient à chaque juif de le réciter. C'est parce que c'est plus une œuvre d'amour qu'un devoir pour ceux qui aspirent sincèrement à connaître D-ieu, éprouvent de la peine à cause de Son éclipse et s'affligent de la flétrissure de Sa gloire aussi longtemps que le Temple est en ruines.

Tout au long des générations, cette œuvre d'amour a attiré tout particulièrement les êtres en quête de spiritualité, en premier lieu les mystiques. Il n'existe pratiquement pas un chapitre du Zohar qui ne comprenne un passage traitant du caractère précieux de 'Hatsoth et de l'importance suprême de la prière et de l'étude à cette heure, non seulement pour les érudits et les mystiques, mais pour tous les juifs.

Les écrits de la Kabbale de Rabbi Yits'haq Louria, Rabbénou Ha'Ari, z.ts.l (1534-1572) expliquent en profondeur la signification mystique du service de minuit comme préparation vitale pour le service du jour. Les 'hassidim et les maîtres du moussar ont également mis l'accent dans beaucoup de leurs grandes œuvres sur l'importance de 'Hatsoth.

Vers le seizième siècle, un service de 'Hatsoth comprenant des Psaumes et d'autres passages de la Tora avait été compilé. Un certain nombre de lamentations composées à cet effet furent ajoutées plus tard : c'est à ce service que se réfère le terme de Tiqoun 'Hatsoth.

Cette prière se compose de deux parties : Tiqoun Ra'hel, qui se concentre sur la destruction et les catastrophes qui se sont abattues sur le peuple juif en exil. La deuxième partie, Tiqoun Léah, qui se compose de Psaumes, d'éloges et d'aspirations vers D-ieu. Le Tiqoun Ra'hel présentant un caractère de lamentations, on ne le récite que le jour où on dit Ta'hanoun. Le Tiqoun Léah en revanche peut être récité même le Chabath et pendant les fêtes.

Le fait même que le Tiqoun Hatsoth ne soit pas obligatoire octroie a chacun de nous la liberté d'organiser ses dévotions de 'Hatsoth, selon ses nécessités et sa façon de vivre. D'aucuns restent éveillés jusqu'au moment de 'Hatsoth, récitent le service et se couchent. D'autres restent éveilles après 'Hatsoth pour prier, méditer ou étudier la Tora, chacun selon ses possibilités.

D'autres encore dorment pendant la première moitié de la nuit, se réveillent pour 'Hatsoth et continuent a étudier et a prier jusqu'à l'aube. S'ils en ressentent le besoin, ils font un petit somme réparateur après la prière de Cha'harith. Ce qui lie toutes ces approches, c'est le désir d'un monde meilleur, c'est la volonté de s'engager à y parvenir en rectifiant ses défauts.

Tiqoun 'Hatsoth nous convient-il ?

Il fut un temps où le Tiqoun 'Hatsoth figurait dans les premières pages de la plupart des grands livres de prière, avant la prière de Cha'harith, mais il ne figure plus dans la plupart des livres de prière contemporains. Un grand nombre de juifs n'en ont même jamais entendu parler. Même ceux qui en ont une vague idée ont tendance à croire que c'est une prière réservée aux saints, doués vraisemblablement de la capacité surhumaine de dormir peu ou pas du tout.

Dans la plupart des communautés juives du monde, le Tiqoun 'Hatsoth a tout simplement été effacé de la conscience des gens. Personne ne se rend compte qu'il convient de concentrer régulièrement son esprit sur la perte du Temple, de s'affliger sur sa destruction et d'aspirer à la Rédemption.

Quel intérêt y prenons-nous? Le Tiqoun 'Hatsoth n'est-il destiné qu'à une minorité d'érudits, de mystiques et de juifs très pieux et saints ? Ou bien devons-nous tous y prendre part ? C'était sans doute la conception de Rabbi Na'hman de Breslev, qui alla jusqu'à écrire : « Tiqoun 'Hatsoth, c'est la principale dévotion d'un juif » (La Sagesse de Rabbi Na'hman, #301).

Quant au 'Hida ( Rabbi 'Haïm Yossef David Azoulay, 1724-1806), il écrivait : « La mitswa de se lever pour 'Hatsoth s'applique à tous, non seulement aux érudits en Tora, mais aux gens simples. C'est pourquoi il est écrit : 'Bénissez l'Éternel, vous tous, serviteurs de l'Éternel, qui vous tenez dans la maison du Seigneur la nuit.' (Psaumes 134:1) » (Yossef Téhiloth)

Même de nos jours, il y a des juifs – de communautés aussi bien séfarades qu'achkénazes – qui se lèvent régulièrement pour 'Hatsoth – non seulement de grands érudits et des « saints », mais des gens ordinaires de tous les milieux sociaux, des gens qui prennent cela à cœur. D'aucuns la récitent chaque nuit, d'autres une fois par semaine, une fois par mois, ou chaque fois qu'ils le peuvent. Se lever pour 'Hatsoth peut certainement paraître difficile au début, mais ceux qui persévèrent tombent sous le charme de cette « heure exquise ».

Le reste du monde dort ; tout est calme, ni coups de fil, ni rendez-vous : personne ne vous dérange. C'est le moment propice pour une pensée claire et profonde, une méditation sincère, une prière intime, une étude assidue, une ascension spirituelle soutenue. Le cœur s'ouvre, les pensées et les sentiments affluent : c'est comme si les portes du Ciel étaient largement ouvertes.

Un juif saint qui pendant soixante-dix ans, d'abord dans son Ukraine natale, puis à Jérusalem, prit l'habitude de se lever pour 'Hatsoth, fit remarquer une fois : « Je n'arrive pas à comprendre comment les gens arrivent à dormir pendant ce moment béni qu'est Tiqoun 'Hatsoth (Rabbi Lévi Yits'haq Bender, 1897-1989). Et pourtant, ils le font ! Qui penserait de nos jours à se lever régulièrement au milieu de la nuit pour prier, étudier et méditer ?

Qu'est-ce que le Tiqoun 'Hatsoth ? Que signifie-t-il ? Pourquoi est-il si important ? Qu'implique-t-il en fait ? Convient-il à notre époque ? Est-il réalisable ? Peut-on concevoir que vous et moi – ouvriers, hommes d'affaires, de professions libérales, étudiants, etc., puissions nous y engager ? Une fois par mois ? Une fois par semaine ? Chaque nuit ? Et dans quel but ? Comme une œuvre d'amour ?

Le très vénéré Rabbi Elyahou Lopian (1876-1970) prit à la fin de sa vie l'habitude de se lever régulièrement pour Tiqoun 'Hatsoth. Comme un de ses élèves lui en demandait la raison, il répondit : « Lorsque je quitterai ce monde et me présenterai devant le Tribunal Céleste, on me demandera si j'ai respecté le Choul'han 'Aroukh, et je répondrai probablement par l'affirmative.

Les juges diront sûrement : « Nous allons vérifier », et ils commenceront probablement à parcourir le Choul'han 'Aroukh, un chapitre après l'autre, une loi après l'autre. S'ils m'interrogent sur un détail après près de deux cents sections, je pourrai trouver une réponse. Mais que leur répondrai-je s'ils m'attrapent sur le tout premier chapitre ? » (Rabbi Moché Aharon Stern, responsable spirituel de la Yéchiva Kaminitz à Jérusalem).

« D-ieu est maintenant prêt à reconstruire notre Temple saint. Il est de notre devoir de bien veiller à ne rien faire qui puisse en retarder la reconstruction. En fait, nous sommes tenus de déployer nos efforts pour le reconstruire, en nous levant toutes les nuits à 'Hatsoth pour nous lamenter sur sa destruction. Chacun de nous doit se dire : « II se peut que dans une vie antérieure j'aie été responsable de la destruction du Temple. Ou bien, mes péchés en retardent la reconstruction et c'est aussi grave que si j'ai été responsable de sa destruction. »

On doit chaque nuit pleurer cette perte à 'Hatsoth. Alors c'est comme si nous essayions de reconstruire le Temple. Le Tiqoun 'Hatsoth conduit l'homme à la vérité. L'homme recouvre la vue, il se voit et voit clairement sa vie. Il se débarrasse de tous ses mauvais traits de caractère et en vient à connaître et comprendre le Nom saint de D-ieu. » (Liqouté Moharan II, 67).


(Extrait du livre « L'appel de minuit » du Rav Avraham Greenbaum, publié aux Éditions Breslev)


(Vous pouvez vous procurer le livre L'appel de minuit en cliquant ici.)

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