jeudi 12 avril 1990

Les quatre éléments

The wind / El viento

(Il s'agit de la troisième partie du livre "L'appel de minuit". Vous pouvez lire la deuxième partie en cliquant ici.)

La signification du Temple

Nous prions tous les jours pour la reconstruction du Temple, au plus vite, de notre temps. Mais que demandons-nous exactement ? Qu'est-ce que le Temple au fait ? Pouvons-nous imaginer ce que serait le monde si le Temple était déjà reconstruit ?

Nous pouvons peut-être nous représenter certains détails extérieurs. Le plan du troisième Temple est décrit dans les derniers chapitres du Livre d'Ézéchiel. Le rituel sera en partie similaire à ce qu'il était il y a deux mille ans : les Cohanim (prêtres) porteront les offrandes sur l'Autel, les Lévites joueront de la musique et chanteront, et les Israélites réciteront leurs prières tout près. Le Conseil des Sages siégera à la place du Sanhédrin, à côté du Temple, et la Tora parviendra de nouveau au monde à partir de Jérusalem.

Mais que sera alors notre vie quand la paix et l'harmonie régneront parmi nous ? Que sera l'atmosphère dans notre foyer, dans notre travail, dans la rue, l'autobus, le parc, le supermarché...? Comment serons-nous ? Comment seront ceux qui nous sont chers ? Quelle impression éprouverons-nous en nous sentant libérés des craintes et des tensions qui habitent la plupart d'entre nous, consciemment ou inconsciemment, nuit et jour ? Être en paix avec soi-même, avec autrui, avec D-ieu !

Vains espoirs ? Chimères ? Le monde n'est actuellement que chaos et confusion. À quoi même servirait-il de se demander si tout peut s'arranger ? N'est-il pas plus sage de ne pas trop nourrir d'illusions pour ne pas connaître la douleur de la déception ? Peut-on vraiment changer la face du monde par ses aspirations ?

Nous le pouvons, nous dit Rabbi Na'hman de Breslev. « La pensée humaine a un immense potentiel... Lorsque la pensée atteint une intense concentration, elle peut exercer une grande influence. Chaque faculté de l'esprit doit être concentrée en évitant la distraction. Lorsque plusieurs personnes agissent ensemble, leurs pensées peuvent en forcer quelque chose à se produire.» (La Sagesse de Rabbi Na'hman, #62). En d'autres termes, plus nous nous concentrons sur la rédemption qui nous a été promise, plus elle se rapproche !

Nous sommes tenus de réfléchir sur la reconstruction du Temple. Mais qu'est-ce exactement que le Temple ? À quoi sert-il ?

L'œil du monde

Pour comprendre la finalité du Temple, nous devons comprendre la finalité de ce monde. Nos Sages expliquent que D-ieu est intrinsèquement bon. L'essence de la bonté est de faire du bien aux autres. D-ieu voulut par conséquent distribuer Sa bonté parfaite à Ses créatures. Les êtres humains ne pourront jamais accéder à la perfection de D-ieu, mais ils peuvent y prendre part en s'attachant à Lui à tous les niveaux de leur être.

D-ieu aurait pu faire partager Sa bonté avec l'homme. Il aurait pu la lui offrir carrément comme cadeau. Mais pour jouir pleinement du bien, le récipiendaire doit être son propre maître : il doit avoir œuvré seul à devenir bon, plutôt que de recevoir un cadeau sans efforts. La création de l'homme impliquait d'illusions pour ne pas par conséquent la création d'un système par lequel il pouvait gagner ses rapports avec D-ieu par ses propres efforts.

C'est ce que D-ieu fit en créant un monde du choix, un monde qui offre de nombreuses occasions de poursuivre le bien authentique, parallèlement à des alternatives qui l'en dissuadent. L'homme est placé dans ce monde pour une période de travail déterminée, au cours de laquelle il doit s'efforcer de se développer dans toute la mesure du possible, tout en évitant tout ce qui est susceptible de le détourner de sa mission. En relevant le défi, il gagne son attachement à D-ieu grâce à ses propres efforts, et peut alors jouir du plaisir de la Bonté divine qui lui est accordé comme récompense.

Notre monde est celui du choix : entre les voies qui rapprochent de D-ieu, et celles qui l'en séparent. Nous sommes entièrement libres de choisir. Bien qu'en fait D-ieu se trouve partout, le monde est conçu de telle façon que la Divinité n'est révélée que dans certaines conditions. Si la voie qui mené l'homme a ressentir la bonté foncière de D-ieu était parfaitement claire et évidente, il n'y aurait pas de défi à proprement parler.

Pour nous fournir vraiment un défi, le monde a trouvé plusieurs moyens de nous dissimuler cette Divinité. Les voies qui conduisent l'homme à se séparer de D-ieu sont souvent très tentantes. Pour qu'on puisse choisir le mal, il se devait de paraître attrayant. D-ieu, qui est Tout Puissant, est capable de le faire.

Les voies de la Divinité sont révélées dans la Tora et enseignées par les grands Sages et Tsadiqim de toutes les générations. Ce sont des hommes dont la dévotion à la Tora était si totale qu'ils l'ont incarnée dans leur vie. D'autre part, on trouve dans le monde toutes sortes d'autres idéologies, représentées par toute une série de domaines aussi variés que la religion, la politique, l'éducation et la culture, les divertissements populaires et les sports, qui tendent généralement à éloigner le juif de la Tora et des mitswoth. Leur attrait est souvent très puissant, mais ils ne sont pas en mesure de conduire l'âme juive à son but ultime de bonté et de pureté.

Dans ce monde, l'homme est appelé à affronter une suite ininterrompue de tentations. Le mal a le pouvoir de nous tromper et transformer les impasses en options grandement désirables. Dans ce monde du choix, celui qui veut accéder à la Divinité doit avoir constamment à l'esprit le but essentiel de sa vie.

L'un des objectifs de nos prières quotidiennes et d'un grand nombre de mitsvoth est de nous rappeler la vraie nature de ce monde et le but ultime de notre vie, pour que nous ayons constamment l'œil fixé sur la mission qu'il nous incombe d'accomplir. Par exemple, nous nous lions tous les jours non fériés aux téfilines, signe de la souveraineté de D-ieu sur nos pensées et nos actions. À la fin de chaque semaine, nous célébrons le Chabath pour nous rappeler que le monde est une Création divine.

« En quelque lieu que Je fasse invoquer Mon Nom, Je viendrai à toi pour te bénir » (Exode 20:21). Ce verset se réfère au Temple. C'est là que le Nom de D-ieu était constamment mentionné et rappelé à chaque instant. Le but du Temple est de montrer au monde entier que tout appartient à D-ieu et que notre mission dans cette vie est de nous rapprocher de Lui. Nous devons nous « rappeler » le Nom de D-ieu pour être conscient de la réalité de Sa présence et de garder ainsi à l'esprit le vrai but de notre vie. Si nous puisons notre vitalité dans cette conscience et utilisons tous les moments de notre vie pour poursuivre notre destinée, nous sommes vraiment bénis.

Lorsque Ya'aqov se réveilla de son rêve de l'échelle, il comprit soudain la Sainteté suprême du site du Temple et dit : « Assurément, l'Éternel est présent en ce lieu, et moi je l'ignorais... Que ce lieu est impressionnant ! Ceci n'est autre que la maison du Seigneur et c' est ici la porte du Ciel » (Genèse 28:16-17). Le Temple était situé sur le site du Even Chethiya, la pierre de fondation d'où, selon la tradition, le monde entier se déploya au moment de la Création » (Yoma, 54b). Le site du Temple constitue ainsi la frontière entre l'espace physique, tel que nous le percevons et ce qui transcende l'espace, le « royaume » céleste au sein duquel se trouve ce monde.

Le plan même des bâtiments et des cours du Temple était un reflet des mondes spirituels célestes. Les diverses activités au Temple exprimaient la révélation de D-ieu à l'homme et le profond désir de l'homme de s'attacher à D-ieu. La Tora tout entière – révélation de D-ieu à l'homme – a été transmise par les Sages du Sanhédrin qui siégeaient dans la Lichkath Hagazith sur le Mont du Temple. Dans la cour principale du Temple, les Cohanim apportaient quotidiennement des offrandes pendant toute l'année. Le but de ces sacrifices, KoRBanoth était leKaReV, rapprocher les gens de D-ieu.

L'homme est fait d'un corps et d'une âme. L'âme est spirituelle, le corps animal. Le sacrifice d'un animal dans un rituel dont chaque détail cache la signification spirituelle la plus profonde, témoigne de la primauté de l'âme sur le corps. L'animal renferme un potentiel spirituel, ce que la kabbale appelle des « Étincelles divines », mais ce potentiel ne peut se réaliser que lorsque l'aspect animal est sublimé et que les étincelles sont libérées au service du spirituel. Le message des sacrifices, qu'on apportait pour les individus, pour le peuple juif et l'humanité en général, était que l'homme doit briser et raffiner ses désirs physiques pour at- d'adult teindre à une perfection spirituelle.

Lorsque quelqu'un s'égarait de la voie de la Tora, il apportait une offrande pour réparer sa faute. Sa confession et sa contrition, le sacrifice de l'animal et son sang qui giclait sur l'Autel au son émouvant du chant des Lévites, tout contribuait à fixer dans son esprit les rapports entre le spirituel et le physique. Tous les matins et toutes les après-midi, on offrait des sacrifices au nom de tout le peuple d'Israël. « Le sacrifice du matin expiait les péchés commis la veille, tandis que celui de l'après-midi expiait les péchés commis pendant la journée » (Bamidbar Rabba 21, 19, etc.).

Celui qui ne répare pas ses méfaits sombre encore plus profondément dans un cycle d'aliénation, de péchés, d'aberration et finit par être retranché de la surface de la terre. Le but des rituels de sacrifice était de briser ce cycle au tout début.

La création se compose de forces qui s'opposent. Les quatre éléments fondamentaux sont : le feu, l'eau, l'air et la terre et toute une diversité d'objets et de créatures qui expriment ces éléments en différentes combinaisons et à différents niveaux: inanimé (minéral), végétal, animal et humain. Tous ces éléments et niveaux étaient représentés dans le Temple et ses rites.

Par exemple : le feu brûlait constamment sur l'Autel des sacrifices et les lumières du candélabre étaient quotidiennement allumées dans le Sanctuaire. Les Cohanim se servaient d'eau pour se sanctifier les mains et les pieds pour le service du Temple. Certaines offrandes devaient être agitées dans les directions des vents, tandis que la poussière se trouvant sous le sol du Tabernacle était administrée comme breuvage à la sota (soupçonnée d'adultère).

Le monde minéral était représenté par l'or, l'argent, le bronze, le marbre, d'autres matières qui constituaient le Temple et ses instruments et le sel qu'on devait utiliser pour tous les sacrifices. Le monde végétal était représenté par les offrandes de farine et de vin ; le monde des animaux et des oiseaux par une grande variété de sacrifices, tandis que le niveau humain était représenté par les prêtres, les Lévites et autres participants qui dirigeaient le rituel dans la plus belle solennité. Toutes les forces de la Création avaient ainsi leur place dans le Temple et jouaient leur rôle dans une parfaite harmonie. Le Temple était un lieu où régnait la paix véritable : c'était là sa beauté.

À l'époque du Temple, les yeux de tout Israël étaient tournés vers le Sanctuaire. « Votre orgueil et votre force, les délices de vos yeux » (Ézéchiel 24:21). Le Temple est l'œil du Monde et ce n'est que par lui qu'on peut percevoir la réalité de ce monde: royaume de D-ieu, réceptacle servant à révéler à tous le Royaume divin, réceptacle que l'on perfectionne par l'étude de la Tora et l'accomplissement des mitswoth.

Suite...

(Extrait du livre « L'appel de minuit » du Rav Avraham Greenbaum, publié aux Éditions Breslev)

(Vous pouvez vous procurer le livre L'appel de minuit en cliquant ici.)

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