lundi 13 avril 2009

Se souvenir d'eux


Comment pourrais-je oublié Yom HaShoah ?

La vie, le destin m’ont conduit là-bas, dans cette ville inconnue et pourtant tristement célèbre. Ville où j’allais affronter mon héritage. Ce fut un « face à face » avec la Shoah.

Le monde entier connaît Auschwitz. Certains connaissent aussi Birkenau. Auschwitz étant le camp-mère donc principal, camp de déportations et Auschwitz II : Birkenau, camp d’extermination. La porte de l’enfer. Sans oublier Auschwitz-Monowitz : camp de travail, sans oublier tous les camps annexes.

Peu connaissent Oswiecim. Cette ville portait aussi un autre nom : Oshpitzine. Avant la guerre, plus de 60% des habitants étaient juifs. C’était ce qu’il est convenu d’appeler un Schetl et aussi un centre 'hassidique.

Après la seconde guerre, il ne restait que peu de trace de cette vie juive. Une seule synagogue est restée debout. La petite synagogue 'hassidique : Chevra Lomdei Mishnayot. Elle servit de dépôt de munitions aux nazis.

Jusqu’en 2000, vivait à Oswiecim un seul juif : Szymon Kluger. Né à Oswiecim dans une famille pieuse, il décida de revenir vivra dans sa maison natale. Elle est située à l’arrière de la synagogue. Il y vécut plus que modestement.

Mon premier souhait en arrivant consistait à redonner vie à cette maison, avant qu’elle ne tombe en ruine. La restaurer, et m’y installer.

Mon idée ne fut pas acceptée. La maison devait devenir un musée de la vie juive d’antan. Cela se fait beaucoup en Pologne.

Par manque de moyen financier le musée ne s’est pas créé et la maison tombe en ruine. Elle se meurt petit à petit et avec elle la trace d’une vie juive.

Puisque mon idée n’était pas acceptée, je devais m’installer ailleurs dans la ville.

Ironie du sort l’immeuble dans lequel se situe mon appartement fut construit en 1910 par une famille juive. Aujourd’hui la seule juive assez Meshugue pour vivre ici (moi !) y célèbre les Chabat et fêtes juives.


Ma toute première visite à Birkenau, et ce fut aussi une première dans ma vie, je me suis entendu dire : "Je vous aime." Nous vous aimons, nous ne vous oublierons pas !

Et inconsciente des mots prononcés, je terminai par une phrase lourde de conséquence : vous vivez en moi, vivrez en moi si vous le souhaitez

Prononcer cette phrase à haute voix à Birkenau relève de l’inconscience et cela représentait un risque inconnu. Je continue à assumer cette phrase.

Comment pourrais-je oublié Yom HaShoah ?

Décidée de m’installer ici représentait un réel risque : celui d’être broyée par la Shoah.

Mais je me sentais assez forte pour prendre ce risque et bien décidée à sortir victorieuse de ce terrible combat. Ce tête-à-tête avec la Shoah. Décidée de ne pas être une victime de plus. Je me refuse de donner des victoires posthumes aux bourreaux.

J’avais raison, j’ai gagné.

Il existait un autre risque : celui de mettre ma foi en péril.

Elle fut mise à rude épreuve ; quelque peu ébranlée.

Il suffit de me rendre dans la synagogue et ma Foi reprend force et vigueur.

Elle s’exprime différemment ici. En Transylvanie, région propice à la prière et à la méditation, tout y est plus simple, plus puissant.

Ici cela demande une grande énergie. J’y arrive. Inutile de préciser qu’après les prières de Chabat, je suis épuisée. Mais ravie.

Avant de me demander quels seraient les risques encourus pour moi, je me suis demandée durant des mois si cela pourrait nuire à un seul juif ?

Lorsque la réponse me sembla évidente, je pris le parti de venir m’installer. Imaginez la Joie lorsqu’on installe une Mezouza dans une telle ville. Chargée d’un passé 'hassidique et… de la Shoah.

Une petite étincelle de vie juive pourrait-elle nuire à un seul juif ?


En ce jour de Yom HaShoah - et installée dans la synagogue* - je peux affirmer haut et fort ce qui n’est pas banal en soi, mais typiquement juif : ma vie représente en soi un Miracle. Comment pourrais-je perdre ma Foi en sachant cela ?

Ma famille comme tant d’autres familles juives fut massacrée. Ensuite ce furent les Bolcheviques qui continuèrent à broyer ma famille. Et moi, petit grain de sable, je suis vivante. J’ai des enfants, des petits-enfants. Un Miracle.

En ce jour de deuil national en Pologne, je suis fière d’être capable d’empathie envers les Polonais. Cela aussi est un miracle.

Témoigner de l’empathie en ce jour de Yom HaShoah envers les Polonais nous assurera un avenir empreint de fraternité.

* La Synagogue Chevra Lomdei Mishnayot qui se traduit par la société pour l’étude de la Michna (Le droit juif ; code civil), est la seule maison de prière juive qui ne fut pas complètement détruite par les Nazis. Elle a été construite en 1913 et fonctionna jusqu’à l’occupation Nazi, lorsqu’elle fut transformée en un entrepôt de munitions. Après la deuxième guerre mondiale, la synagogue fut ouverte de nouveau et fonctionna comme telle.

Pendant plusieurs années, elle fut utiliséee par un groupe de survivants, jusqu’à ce que la plupart d’entre eux quittent Oświęcim et la Pologne. Plus tard, elle fut nationalisée par le régime communiste et utilisée comme magasin de tapis. En 1997, après la chute du régime communiste, elle fut donnée à la communauté juive de Bielsko-Biala qui ensuite en fit don au centre juif d’Auschwitz.

Chantal Maas, Oshpitzine 5770

1 commentaire:

Anonyme a dit…

Merci

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